Marcel Proust

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À Madeleine Lemaire

Quel trop subtil voleur coupa dans les vergers
Ces raisins lumineux dont ma lèvre est éprise?
Le zephyr soufflé ces chendelles par surprise
Lui seul est assez doux pour ne les pas blesser.

Mais non, pour les pinceaux quittant fuseaux et laine
Vous faites plus que Dieu: un eternal printemps,
Et c’est auprès des lys et des rosiers grimpants
Que vous allez chercher vos couleurs, Madaleine.

Vous avez la beauté frêle de l’éphémère,
Et pourtant fleurs d’un jour vous ne périrez pas,
Fleurs vivant et pourtant immortelles: lilas,
Œillets ou lys qu’a peints Madeleine Lemaire.

Mais vous, qui vous peindra, belle jardinière
Par qui tous les printemps nous naissent tant de fleurs?

*

A Madeleine Lemaire

Che ladro raffinato ha tagliato negli orti
quest’uva luminosa di cui il mio labbro ha sete?
Lo zeffiro imprevisto queste candele ha soffiato
lui solo è tanto dolce da non sciuparle. Ma no,

per i pennelli abbandonando fusi e lane
fate meglio di Dio: una primavera eterna,
e vi accostate ai gigli, ai rosai rampicanti,
per rifornirvi di colori, Maddalena.

Avete la bellezza fragile dell’effimero,
eppure fiori d’un giorno voi non morirete,
fiori viventi e immortali: lillà, gigli,
garofani dipinti da Madeleine Lemaire.

Ma, bella giardiniera, chi dipingerà voi
per cui le primavere ci portano altri fiori?

 

Poesie (Feltrinelli, 2008), trad. it. L. Frezza

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